lundi 5 mai 2014

Offshore, Xavier Antin ; Galerie Crèvecoeur (Paris)


ill.1, Offshore, Xavier Antin


Résidus, feuilles d'impressions, moulages : dans l'espace de la galerie, le jeune artiste Xavier Antin a disposé les vestiges de son travail questionnant la dématérialisation des moyens de production et donc celle de la production d'oeuvre d'art. Mais ce n'est pas tant cela, constante dans l'art contemporain, qui m'intéresse mais plutôt ces vestiges. En effet l'artiste travaille sur des imprimantes diverses qu'il trafique : de cette manipulation il tire des impressions imprévisibles donnant des dégradés de couleurs. Ces dégradés, ces impressions il les dispose sur des structures : étranges papiers qui semblent sécher comme du linge sur un fil (ill.1). Ces impressions apparaissent dans leur étrangeté : elles sont les vestiges de notre moyen de reproduction de l'écriture, c'est à dire l'imprimerie. Mais au-delà de ce caractère industriel, elle porte en elle ce que je nomme donc un vestige : car elles sont résidus d'une production de matière mais aussi vestiges d'une civilisation qui semble loin et proche de nous. Proche de nous car les imprimantes modernes sont ancrées dans notre quotidien ; mais loins car leur étrange mode de manifestation (tissus plastifiés, impressions étendues dans l'air) créent un décalage. C'est alors que s'ouvrent les ailleurs, métaphoriques mais également temporels, et leurs vestiges propres (ill.2 et 3)


                                           ill.2 Offshore Xavier Antin              ill.3 Papyrus égyptien, 2400 avant J-C



Vestiges étranges encore que ces moulages de cartouches d'imprimantes (ill.4) : l'artiste les a moulés dans du plâtre et lors de cette opération les cartouches ont gonflé, comme si, vides, elles retrouvaient le plein par l'opération du moulage.

                                     ill.4 Offshore, Xavier Antin          ill.5 Osselets en bois, ivoire et faïence, 3000 ans avant J-C

Ces moulages disposés sur le sol sont lourds et blancs, à ceci près que les dernières tâches de couleurs apparaissent, comme dans un dernier souffle. Mais si l'on appréhende ces petits objets indépendamment de leur provenance, ils nous apparaissent comme des vestiges étranges et inquiétants. Ils sont alors des petits jouets, traces du passages d'un enfant ou bien repères pour retrouver son chemin. Ces moulages blancs apparaissent comme les vestiges d'un temps indistinct : ruines sorties d'un monde lunaire, tombées par hasard dans ce lieu.


Si je rapproche ces objets de l'Antiquité Égyptienne avec les œuvres de l'artiste contemporain Xavier Antin, ce n'est en aucun cas pour établir un lien historique ou même théorique entre les deux modes de fabrication (quoiqu'il y ait ici dans cette confrontation de deux Temps des modes de production une poétique étrange qui se met en place) mais bien pour considérer ces objets dans leur mode d'être : résidus, vestiges portant les traces d'un temps et d'un espace autre et surtout d'un usage qui a laissé des traces (ultimes tâches colorées chez les moulages de Xavier Antin, bois doré mais usé qui nous reste des égyptiens). 

                                    ill.6 Offshore, Xavier Antin                      ill.7 Boîte de jeu, 1300 avant J-C


Ces traces sont alors témoins d'une activité antérieure, certes essoufflée, terminée mais néanmoins présente. Car ces osselets (ill.5) et cette boîte de jeu (ill.7) nous apparaissent de manière miraculeuse : témoins d'un temps anciens dont les traces sont ces petits cailloux ou bien ces petites cases taillées dans le bois, lignes et reliefs humbles mais néanmoins bouleversants.

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