ill.1, Offshore, Xavier Antin
Résidus,
feuilles d'impressions, moulages : dans l'espace de la galerie,
le jeune artiste Xavier Antin a disposé les vestiges de son travail
questionnant la dématérialisation des moyens de production et donc
celle de la production d'oeuvre d'art. Mais ce n'est pas tant cela,
constante dans l'art contemporain, qui m'intéresse mais plutôt ces
vestiges.
En effet l'artiste travaille sur des imprimantes diverses qu'il
trafique : de cette manipulation il tire des impressions
imprévisibles donnant des dégradés de couleurs. Ces dégradés,
ces impressions il les dispose sur des structures : étranges
papiers qui semblent sécher comme du linge sur un fil (ill.1).
Ces impressions apparaissent dans leur étrangeté : elles sont
les vestiges de notre moyen de reproduction de l'écriture, c'est à
dire l'imprimerie. Mais au-delà de ce caractère industriel, elle
porte en elle ce que je nomme donc un vestige : car elles sont
résidus d'une production de matière mais aussi vestiges d'une
civilisation qui semble loin et proche de nous. Proche de nous car
les imprimantes modernes sont ancrées dans notre quotidien ;
mais loins car leur étrange mode de manifestation (tissus
plastifiés, impressions étendues dans l'air) créent un décalage.
C'est alors que s'ouvrent les ailleurs, métaphoriques mais également
temporels, et leurs vestiges propres (ill.2
et 3)
ill.2 Offshore Xavier Antin ill.3 Papyrus égyptien, 2400 avant J-C
Vestiges
étranges encore que ces moulages de cartouches d'imprimantes
(ill.4) :
l'artiste les a moulés dans du plâtre et lors de cette opération
les cartouches ont gonflé, comme si,
vides,
elles retrouvaient le plein
par l'opération du moulage.
ill.4 Offshore, Xavier Antin ill.5 Osselets en bois, ivoire et faïence, 3000 ans avant J-C
Ces
moulages disposés sur le sol sont lourds et blancs, à ceci près
que les dernières tâches de couleurs apparaissent, comme dans un
dernier souffle. Mais si l'on appréhende ces petits objets
indépendamment de leur provenance, ils nous apparaissent comme des
vestiges étranges et inquiétants. Ils sont alors des petits jouets,
traces du passages d'un enfant ou bien repères pour retrouver son
chemin. Ces moulages blancs apparaissent comme les vestiges d'un
temps indistinct : ruines sorties d'un monde lunaire, tombées
par hasard dans ce lieu.
Si
je rapproche ces objets de l'Antiquité Égyptienne avec les œuvres
de l'artiste contemporain Xavier Antin, ce n'est en aucun cas pour
établir un lien historique ou même théorique entre les deux modes
de fabrication (quoiqu'il y ait ici dans cette confrontation de deux
Temps des modes de production une poétique étrange qui se met en
place) mais bien pour considérer ces objets dans leur mode d'être :
résidus, vestiges portant les traces d'un temps et d'un espace autre
et surtout d'un usage qui a laissé des traces (ultimes tâches
colorées chez les moulages de Xavier Antin, bois doré mais usé qui
nous reste des égyptiens).
ill.6 Offshore, Xavier Antin ill.7 Boîte de jeu, 1300 avant J-C
Ces
traces sont alors témoins d'une activité antérieure, certes
essoufflée, terminée mais néanmoins présente. Car ces osselets
(ill.5)
et cette boîte de jeu (ill.7)
nous apparaissent de manière miraculeuse : témoins d'un temps
anciens dont les traces sont ces petits cailloux ou bien ces petites
cases taillées dans le bois, lignes et reliefs humbles mais
néanmoins bouleversants.
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