Marcius Galan, Diagonal Section
L’oeuvre surprend comme à l’angle d’un chemin. En arrivant face à elle on découvre un nouveau lieu. Tout est blanc autour, mais là-bas, derrière cette limite, une autre espace prend place. L’artiste joue sur les angles et sur les couleurs pour nous faire croire à un mur de verre. Une indication - qui semble venir du musée lui-même - renchérit en ce sens. « Do not cross ». Je ne sais pas si cette indication était véritable, mais en tout cas, moi, j’ai traversé. C’est sur un tel balancement que joue l’artiste. Une fois la première seconde passée - celle où l'on se demande sincèrement s’il y a un mur - on se plaît jusqu’au bout dans cet entre-deux spatial et imaginaire. Entre-deux spatial puisque ces deux espaces, s’ils sont les mêmes, restent en fait toujours différents : l’artiste a réussi sa démarcation, au point que, tout sourire, le visiteur passe d’abord son bras pour vérifier qu’il n’y a pas de parois avant de passer. Entre-deux imaginaire, puisqu’au fond de lui le visiteur sait pertinemment que tout cela n’est qu’une question de peinture sur les murs. Il a passé la limite, a réalisé qu’elle n’était rien d’autre qu’un trait au sol. Et pourtant, il aimerait toujours croire à ce tour magique que réalise l’artiste. C’est une illusion à laquelle on aime croire. Et on la maintient jusqu’au bout : même de l’autre côté de cette vitre - qui n’existe pas - on garde l’impression d’être passé de l’autre côté, d’être parti ailleurs.
Marcius Galan, Digital Section
L’oeuvre surprend comme l’angle d’un chemin. Alors que les précédentes m’ont intéressée ou amusée, celle-ci ma réellement fait rentrer quelque part. Elle m’a arrachée à l’espace de l’exposition, m’a littéralement perturbée, un court instant.
Souvent je ressors en partie déçue du Palais de Tokyo. Notamment parce que les artistes cherchent à tout prix à choquer. Ils nous montrent des choses qui certes peuvent paraître nouvelles ou innovantes, mais qui souvent ne touchent même pas. Qui intéressent, tout au mieux. Et finalement, on s'y attend tellement que plus rien ne nous atteint.
Marcius Galan, lui, m’a marquée, réveillée. Il a déclenché quelque chose, il a surpris mes sens, les a déstabilisés. Par une semi-illusion, il m’a fait ouvrir grand les yeux et arrêter de marcher, m’a fait vivre quelque chose, mais quelque chose qui ne porte sur rien : cela n’est ni démonstratif, ni illustratif, ni militant. L’expérience vécue est purement sensorielle, imaginative.
Stéphane Thidet, Le refuge
Le refuge de Stéphane Tidet agit de la même façon sur le spectateur. Et les scénographes ont bien pris soin de séparer chacune des salles d’exposition pour ménager de la surprise et de l’intimité à chaque oeuvre. Cette oeuvre aussi frappe d’entrée de jeu, elle est marquante et s’impose. Plus encore parce qu’elle est, au niveau sensorielle, très forte. Une petite maison de bois à l’apparence anodine mais dont l’intérieur est frappé par une violente pluie. En arrivant dans la salle, donc, le visiteur est saisi par le bruit de cette pluie, mais aussi par la sensation pesante de l’humidité qui sévit dans la salle, et par l’odeur même du bois qui moisit avec l’eau. Cette oeuvre fonctionne comme une mise en scène : le visiteur assiste à cet évènement spectaculaire auquel il ne participe pas - il est en dehors de la maison - et qu’il observe à travers les fenêtres. Elle joue également sur l’illusion : reconstitution d’une habitation et ses objets quotidiens. Une habitation qui semble abandonnée du fait des conditions climatiques. Évidement, la pluie n’est pas réelle. La pluie torrentielle est feinte. Le bois ne l’est pas. Et c’est dans la condition physique et les sensations qu’il impose au spectateur que réside l’oeuvre d’art.
Stéphane Thidet, Le refuge (intérieur)